Divorce des couples internationaux à New York: comment ça marche ?

Si divorcer est une étape difficile, la dimension internationale d’une famille est un élément de complexité supplémentaire qui exige la maîtrise de plusieurs systèmes juridiques. Les explications d’Hélène Carvallo, avocat au Barreau de New-York et d’Anne Carole Plaçais, avocat au Barreau de Paris.

Quel juge saisir ?

En France, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance est compétent pour l’intégralité des procédures relatives à la famille : divorce, responsabilité parentale, pensions alimentaires.

A New York, les questions liées aux enfants —custody, visitation—ou aux obligations alimentaires —child support, spousal support— sont examinées par la Family Court, ou, dans le cadre d’un divorce, par la Supreme Court.

Compétence territoriale :

Le juge compétent pour prononcer le divorce des époux ne l’est pas forcément pour statuer sur les enfants ou les obligations alimentaires.

Ainsi, le Juge français, qui applique la réglementation européenne, est compétent si la résidence habituelle des époux (pour le divorce), des enfants (pour la responsabilité parentale), ou de l’une des parties (pour les obligations alimentaires) est fixée en France ; à titre subsidiaire, il peut s’estimer compétent pour prononcer le divorce de deux Français ; voire même de façon résiduelle quand l’une des parties seulement est de nationalité française.

A New-York, c’est la résidence qui est le critère d’attribution, que ce soit pour le divorce, pour les pensions alimentaires, ou pour les mesures relatives à l’enfant, dès lors que l’enfant y a résidé dans les six mois précédents la saisine et que l’un des parents y vit toujours.

Quand les juges français et new-yorkais sont saisis simultanément et qu’ils se considèrent chacun compétent, le principe général est que le premier juge saisi conserve le dossier.

Loi applicable :

S’il se reconnaît compétent, le Juge new-yorkais applique sa loi.

A l’inverse, le Juge français applique la loi étrangère du lieu de la dernière résidence commune des époux, de celle de l’enfant, ou de la résidence du créancier d’une obligation alimentaire.

Exceptionnellement, la cour de cassation a jugé qu’il pouvait appliquer la loi française aux mesures provisoires décidées en cours de divorce.

Différences procédurales

En France, les époux peuvent divorcer par consentement mutuel, sans juge, à condition de s’accorder sur l’ensemble des conséquences du divorce.

A défaut, la procédure contentieuse se déroule en deux étapes :

1/ Après l’audience de conciliation, le magistrat fixe les mesures provisoires concernant les enfants, les pensions alimentaires, l’attribution du domicile conjugal.

2/ Quand il prononce le divorce, le juge entérine ou modifie les mesures provisoires, ordonne la liquidation du régime matrimonial, répartissant le patrimoine des époux selon la loi choisie dans leur contrat de mariage ou, à défaut, selon celle de l’Etat où ils ont fixé leur première résidence commune (si c’est en France, la communauté réduite aux acquêts) ; il fixe éventuellement une prestation compensatoire au bénéfice de l’époux qui souffre d’une disparité dans ses conditions de vie, liée au divorce.

A New-York, le divorce, contested ou uncontested, commence avec l’introduction d’un summons with notice ou summons and complaint devant la Supreme Court.

Le juge peut fixer un child support, un temporary ou post-divorce spousal support, ainsi qu’un distributive award, équivalent de notre prestation compensatoire, selon des règles strictes.

En l’absence de prenuptial ou postnuptial agreement, les règles de l’Equitable Distribution s’appliquent, chacun des époux conservant ses biens propres et les biens communs étant partagés équitablement suivant 14 critères prévus par la loi.

Et les enfants ?

Tant le juge français que le juge new-yorkais recherchent ce qui est le plus conforme à l’intérêt de l’enfant.

Si l’exercice conjoint de l’autorité parentale est la règle en France, c’est l’inverse à New-York, la legal custody étant attribuée le plus souvent au parent qui vit avec l’enfant, avec le risque de voir l’un des parents exclu de la vie de l’enfant.

Si la résidence de l’enfant, physical custody, reste majoritairement attribuée à la mère, la résidence alternée, shared custody, se développe, pour permettre à l’enfant de vivre avec ses deux parents.

Quant au droit de visite et d’hébergement, il est classiquement fixé un week-end sur deux, éventuellement une soirée en semaine, et la moitié des vacances scolaires. Il peut être suspendu ou médiatisé, en présence d’un tiers, en cas de violence.

Enfin, la France comme les Etats-Unis ont ratifié la convention de la Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants qui interdit à tout parent de modifier la résidence de l’enfant sans l’accord de l’autre parent ou du juge. En cas d’enlèvement, une procédure de retour rapide de l’enfant est mise en place.

Exécuter une décision de justice étrangère :

Si les Etats-Unis exécutent facilement les jugements français dans le respect de la Comity Doctrine, une procédure spécifique dite procédure d’exequatur, est nécessaire en France, le juge vérifiant que :

Il reconnait la compétence du juge new-yorkais,
L’ordre public est respecté (par exemple, la France considère que la gestation pour autrui autorisée aux Etats-Unis, est contraire à l’ordre public),
L’action n’est pas frauduleuse.

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