France-New York : Le nouveau divorce par consentement mutuel et la doctrine du « Comity Among Nations »

La reconnaissance d’un divorce étranger soulève toujours une question : reconnait-on un divorce obtenu selon des procédures juridiques inexistantes chez soi ?

En France, pour reconnaitre un divorce étranger, on se réfère à la Convention de La Haye du 1er juin 1970 sur la Reconnaissance des divorces et des séparations de corps, qui renvoie à des critères de résidence ou de nationalité des parties pour déterminer quelle est la loi applicable au divorce. Si c’est la loi étrangère qui est désignée, la France reconnaitra le divorce ou la séparation à partir du moment où il est valide à l’étranger, sous réserve du respect de règles légales françaises fondamentales. Ainsi, un mariage homosexuel prononcé dans un pays comme l’Espagne, avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013 l’autorisant en France, n’était pas reconnu car contraire à l’ordre public français.

Les États-Unis n’ont pas ratifié cette convention et appliquent donc leurs propres règles internes. Pour autant, de par leur structure fédérale, ils sont très ouverts sur la reconnaissance de décisions extra-étatiques.

Entre Etats fédérés, la règle constitutionnelle est le « Full Faith and Credit Clause » : la décision est reconnue sans contrôle.

Envers les décisions étrangères, les Etats –car ce n’est pas une prérogative fédérale—appliquent la doctrine du « Comity Among Nations », règle coutumière qui remonte au 19ème siècle, Hilton v. Guyot, 159 U.S. 113, 163-64 (1895) et qui impose de reconnaître un divorce étranger à partir du moment où il a été prononcé légalement dans son pays d’origine, ce qui est présumé Marriage of DeLeon, 804 S.W.2d 801 (Mo. Ct. App. 1991).

L’appréciation est toutefois discrétionnaire Will of Brown, 132 Misc. 2d 811, 505 N.Y.S.2d 334, 337 (Sur. Ct. 1986) et le contrôle porte essentiellement sur les points suivants : Procédure équitable (due process), droits de la défense, fraude.

Quant au critère du domicile, certains Etats exigent que l’une des parties soit domiciliée dans le pays qui a prononcé le divorce ; New York, toutefois, est très laxiste et ne retient traditionnellement pas ce critère Gould v. Gould (235 N. Y. 14 [1923]), Rosenstiel v. Rosenstiel, 16 N.Y.2d 64, 262 N.Y.S.2d 86 (1965).

Un divorce obtenu par « mail order » (par correspondance, sans avoir aucun lien avec le pays qui prononce le divorce et sans s’y déplacer) ne sera toutefois pas reconnu In re Petition of Chong Jah Alix, 252 F. Supp. 313 (D. Haw. 1965) (Massachusetts law); Butler v. Butler, 239 A.2d 616 (D.C. 1968); Warrender v. Warrender, 79 N.J. Super. 114, 190 A.2d 684 (App. Div. 1963) et ce même à New York Alzmann v. Maher, 231 A.D. 139, 246 N.Y.S. 60 (1930)

Qu’en est-il du nouveau « divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire » ?

Il pose deux questions majeures : (1) il n’est pas prononcé par un juge, (2) il est silencieux sur ses critères juridictionnels.

Le 1er point ne pose pas de difficulté aux Etats-Unis, qui reconnaissent les divorces extra-judiciaires à partir du moment où la pratique est valide dans le pays d’origine. C’est le cas du talaq musulman, du get juif ou du divorce indigène aux Etats-Unis.

Quant au 2nd, il est plus problématique. En effet, le nouveau divorce français ne pose aucun critère de compétence juridictionnelle : il n’exige ni que les époux divorçant soit français, ni qu’ils résident en France, ni même que les avocats soient inscrits à un barreau particulier.

Comment les Etats américains reconnaitront-t-ils ce divorce non judiciaire ?

D’abord, d’un point de vue pratique, ce nouveau divorce exige l’envoi par chaque avocat à son client du projet de convention par lettre recommandée avec accusé de réception, lequel fait courir le délai de réflexion légal de 15 jours.

La poste française connait une procédure de lettre recommandée internationale qui garantit l’acheminement du courrier, et la poste américaine la procédure des accusés de réception, de sorte que ce point ne devrait pas poser de difficulté.

Ensuite, il faudra que ce divorce « conventionnel » soit valable selon les règles du droit international français et qu’ainsi, la loi française soit désignée —expressément pour plus de sécurité— selon les critères fixés à l’article 5 du Règlement Rome III.

Si tel est le cas, il y a tout lieu de penser que New York reconnaitra le nouveau divorce français par consentement mutuel.

Tags:
Recherche