GPA, PMA, adoption : les filiations entre les États-Unis et la France

Les nouvelles filiations telles que la GPA et la PMA, l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels et le développement des coparentalités font naître de nombreuses interrogations sur le plan juridique, a fortiori dans un contexte international.

Un point s’impose sur les principales questions que peuvent se poser les parents ou futurs parents ayant des liens avec les États-Unis et la France*.

Si, en France comme dans la plupart des Etats américains, la filiation est principalement établie par l’acte de naissance ou la reconnaissance par l’un des parents, cette dernière peut être préalable à la naissance en France mais ne peut qu’être postérieure à la naissance dans beaucoup d’États américains. C’est une des nombreuses différences auxquelles il faut prêter une attention particulière en tant que Français expatrié aux États-Unis.

Le lien de filiation est important car il a des conséquences juridiques primordiales. Il crée des droits et devoirs réciproques entre parents et enfant, notamment le droit de porter le nom, le droit d’hériter, ou encore le droit d’exercer l’autorité parentale sur l’enfant mineur. Il permet également de transmettre la nationalité, ce qui est particulièrement intéressant pour les parents ayant des liens avec la France et les États-Unis.

D’un point de vue biologique, un enfant ne peut avoir que deux liens de filiation, l’un paternel et l’autre maternel. Avec l’apparition de la GPA (« gestation pour autrui ») et de la PMA (« procréation médicalement assistée »), se pose la question de la possibilité d’établir un acte de naissance ou un acte de reconnaissance ne correspondant pas au lien biologique.

La gestation pour autrui

En France :

La GPA est contraire à l’ordre public et strictement interdite. En cas de recours illégal, aucun lien de filiation ne pourra être établi y compris à l’égard du père biologique, et des poursuites pénales seront encourues.

Quant aux GPA réalisées à l’étranger, la France leur refusait initialement tout effet, y compris en terme d’établissement de la filiation. Il était donc impossible de faire transcrire sur les registres de l’état civil français l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une GPA. La multiplication du nombre d’enfants nés de GPA à l’étranger, et plusieurs condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme, ont conduit les juridictions françaises à assouplir leur position, notamment en 2015 et 2017.

Actuellement, la Cour de cassation accepte la transcription de l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA à l’étranger lorsqu’il correspond à la réalité biologique.

Ainsi, si l’acte de naissance étranger mentionne le père biologique et la mère biologique ayant porté l’enfant, la France acceptera sa transcription.  En revanche, si la mère sur l’acte d’état civil étranger est la mère d’intention et non la mère ayant porté l’enfant et accouché, seule la filiation paternelle sera reconnue par l’état civil français. L’autre parent d’intention, homme ou femme, pourra alors adopter l’enfant de son conjoint, par l’intermédiaire d’une procédure française simplifiée mais ouverte aux seuls couples mariés.

Bien que la Cour européenne des droits de l’homme ait validé cette position par avis du 10 avril 2019, une évolution est à prévoir. En effet, le Tribunal de grande instance de Nantes, compétent pour la transcription des actes de naissance étrangers, fait de la résistance et a accepté, en 2019, la transcription d’un acte de naissance étranger mentionnant la mère d’intention, sans que cette dernière n’ait à passer par le processus de l’adoption; un recours est à prévoir.

La question reste également en débat en France dans le cadre de la révision à venir de la loi de bioéthique. Actuellement, le Comité national d’éthique reste opposé à l’admission de la GPA sur le territoire français, et les questions suivantes restent en suspens concernant les GPA pratiquées à l’étranger :

– Que faire si la mère d’intention est la mère génétique de l’enfant même si elle ne l’a pas porté?

– Doit-on ouvrir la procédure d’adoption simplifiée de l’enfant du conjoint aux couples non mariés?

Aux Etats-Unis :

En l’absence de réglementation de la GPA (« surrogacy ») au niveau fédéral, la réglementation diffère en fonction des États.

Cependant, le Uniform Parentage Act (UPA) prévoit un cadre uniforme admettant la GPA qui peut être adopté par les États ou, du moins, orienter leur réglementation avec notamment :

– La possibilité de reconnaissance de la filiation pour les couples de même sexe
– La possibilité d’établir la filiation non-biologique entre le parent de fait (celui qui s’occupe de l’enfant) et l’enfant, à l’image de la possession d’état française
– La Gestation pour autrui ou “surrogacy”

Concernant la GPA, le UPA reconnaît depuis 2002 tant la “traditional surrogacy” (avec lien génétique) que la “gestational surrogacy” (sans lien biologique), considérant que la GPA est ouverte à tout majeur de 21 ans.

Dans le cadre de la “gestational surrogacy” les parents d’intention sont considérés parents légaux par opération de la loi, dès lors que le contrat de “surrogacy” est valide.  A l’inverse, les parties à un contrat de “traditional surrogacy” sont tenues de se présenter devant le juge, qui valide les termes du contrat.

En cas de “traditional surrogacy”, la mère porteuse dispose d’un délai de 72 heures après la naissance pour changer d’avis tandis qu’en cas de “gestational surrogacy”, le contrat de “surrogacy” est exécutoire à partir du moment où le transfert d’embryon est intervenu, et la mère porteuse ne peut plus changer d’avis.

À ce jour, 48 États et le District of Columbia autorisent la GPA rémunérée (compensate surrogacy). New York, la Louisiane, et le Michigan l’interdisent toujours.

À New York, la GPA est autorisée tant pour les couples que pour une personne seule, à la condition qu’elle soit “compassionate”, c’est-à-dire que les fonds versés à la mère porteuse correspondent uniquement à la prise en charge de ses frais et non à une véritable rémunération.

En toute hypothèse, les GPA pratiquées dans un État sont reconnues sans difficulté dans les autres États américains.

La procréation médicalement assistée

En France :

La PMA est actuellement ouverte aux seuls couples hétérosexuels infertiles et doit être gratuite.

Dans le cadre de la révision de la loi bioéthique censée intervenir en 2019, l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires est prévue.

Les PMA pratiquées à l’étranger sont susceptibles d’être reconnues en France et l’adoption d’un enfant né d’une PMA est ouverte au conjoint, la Cour de cassation ayant émis un avis en ce sens sans que la jurisprudence ne soit clairement fixée.

Aux États-Unis :

La PMA est ouverte à tous et payante (avec “reasonable compensation”, le prix étant compris entre 10.000$ et 15.000$ en moyenne) et pour les couples homosexuels, le nom des deux mères peut être inscrit sur l’acte de naissance, qu’elles soient mariées ou en concubinage (vrai dans 11 États) ou uniquement en cas de mariage (vrai dans 39 États).

Qualifiée de ART (“Artificial Reproductive Technique”), elle consiste dans 99% des cas dans des fécondations in vitro. Depuis la première fécondation in vitro en 1981, le nombre de recours aux États-Unis n’a cessé de croître, pour atteindre environ 4 millions de naissance par fécondation in vitro en 2012, soit 1 à 2% des naissances.

Ladoption

En France :

L’adoption est ouverte aux couples homosexuels mariés depuis le 17 mai 2013, date à laquelle le mariage homosexuel a été reconnu en France.

L’époux de même sexe que le parent biologique d’un enfant peut adopter cet enfant, si la filiation de ce dernier n’est pas établie à l’égard de son second parent biologique.

Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2017, l’adoption est également ouverte, comme évoqué ci-dessus, aux couples ayant eu recours à la PMA ou la GPA.

L’existence d’un mariage est une condition pour l’instant maintenue, mais l’ouverture aux couples non mariés est à envisager dans l’avenir, au regard de la position récente de la Cour européenne des droits de l’homme.

Aux États-Unis :

Dans tous les États des U.S, l’adoption est ouverte aux couples, hétérosexuels comme homosexuels (notons toutefois que les lois de 42 des Etats américains n’interdisent pas formellement la discrimination selon le sexe et le genre, 10 autorisant même les agences d’adoption à refuser l’adoption par un couple homosexuel en se fondant sur des motivations religieuses).

Selon les États en revanche, il sera requis que le couple soit marié ou en union stable. À l’exception de l’adoption par le beau-parent (“stepparent adoption”) ou par le concubin du parent  (“second-parent adoption”), autorisées dans 15 États dont la Californie, Washington D.C. et l’État de New York, l’adoption met fin aux droits et responsabilités du parent biologique sur l’enfant et ses biens.

Si l’adoption était traditionnellement “closed”, l’enfant n’ayant aucun lien avec ses parents biologiques, depuis les années 1980, les juridictions américaines valident l’“open adoption”, processus permettant aux parents biologiques de garder un lien affectif avec leur enfant, par des échanges avec les parents adoptifs et/ou des visites auprès des enfants, selon les termes du contrat conclu entre les “parents”.

La Convention de la Haye du 29 mai 1993 :

Les États-Unis et la France ont ratifié une convention internationale permettant la reconnaissance automatique des décisions d’adoption prononcées par un État membre dans l’autre. Il faut veiller à respecter en préalable de l’adoption les conditions et la procédure prescrites par cette convention qui met en place un mécanisme de collaboration entre autorités centrales. À défaut, il faut être particulièrement vigilant sur les adoptions prononcées aux États-Unis.

En effet, il est fréquent que les adoptions prononcées aux États-Unis soient “open” et ne rompent pas le lien avec les parents biologiques.  En conséquence, elles risquent de ne pas être reconnues en France comme adoptions plénières, seule possibilité de transmettre la nationalité.

Lorsqu’établir un lien de filiation n’est pas possible, il existe malgré tout des possibilités de créer un lien juridique entre un enfant et un tiers.

Ces dispositifs peuvent intéresser les couples en projet de coparentalité (deux couples homosexuels ou deux célibataires partageant un désir d’enfant) ou bien le tiers non parent qui souhaite maintenir un lien avec l’enfant de la personne dont il se sépare.

En conclusion, il est vivement recommandé d’envisager toutes les conséquences juridiques sur la filiation ou les liens avec un enfant avant tout projet de GPA, PMA, ou d’adoption, a fortiori dans un contexte mêlant l’ordre juridique français et américain.

Pour en savoir plus et bénéficier de conseils d’experts, contactez Hélène Carvallo et Anne-Carole Plaçais, avocates aux barreaux de New York et Paris, spécialisées en droit international de la famille.

Hélène Carvallo est avocat inscrit à New York, les informations données dans cet article sur les autres États américains ne constituent pas des informations légales et doivent être vérifiées auprès d’un conseil local.

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